Petit pays
Une BD de Marzena Sowa et Sylvain Savoia chez Dupuis (Aire Libre) - 2024
04/2024 (12 avril 2024) 122 pages 9791034737369 Grand format 495012
Exilés au Burundi, Gaby et Ana, enfants métis franco-rwandais, voient leur quotidien joyeux bousculé par la guerre civile. Alors que leur famille se déchire, le génocide des Tutsi au Rwanda voisin vient mettre un terme à leur innocence. D'ailleurs, déjà à l'école, Gaby assiste à une bagarre entre un Tutsi et un Hutu, que rien ne semble pourtant séparer si ce n'est ? d'après son père ? la forme de leur nez... Mené par Marzena Sowa et Sylvain Savoia, l'adaptation du best-seller à résonance autobiographique de Gaël Faye, prix Goncourt des lycéens... Lire la suite
Belle adaptation du roman de Gaël Faye, en format BD et dans la veine franco-belge...
Par les auteurs de la série Mirza (une chronique BD à caractère autobiographique, sur la Pologne communiste, paru initialement dans le magazine Spirou), c'est-à-dire Marzena Sowa (au scénario) et Sylvain Savoia (au dessin).
Petit pays raconte de manière simple et accessible l'histoire d'un jeune garçon vivant au Burundi, pourtant empêtré dans un contexte géopolitique complexe, celui du génocide rwandais (1994) et de la guerre civile au Burundi (à partir de 1993)... Deux petits pays voisins d'Afrique orientale, marqués par des tensions entre les ethnies Hutu et Tutsis.
Le point de vue narratif, un peu décalé par rapport aux événements tragiques qui secouent la région, apporte une forme de réalisme au récit, se concentrant sur des scènes de la vie quotidienne de l'enfant, sur son regard et ses sensations.
Néanmoins, on ressent dans les relations entre les personnages, leurs discours, leurs jeux, le passage à l'adolescence... les fortes inégalités de la société burundaise. La violence du colonialisme et de la discrimination des peuples africains s'immisce dans toutes les strates de la société, peut se retourner contre tout le monde, y compris les dominants. Dès lors, le cours de cette roue tragique du destin paraît insurmontable... Il n'y a quasiment plus d'espoir, on voit arriver l'horreur de ce vaste mouroir...
Les auteurs de la BD on su retranscrire la part autobiographique du roman. L'expérience de Gaël Faye, né au Burundi d'un père français et d'une mère rwandaise (réfugiée à Bujumbura après le début des persécutions contre les Tustis, dans les années 1960), est tangible. On retrouve dans cette BD les thèmes, les champs sémantiques du slam de Gaël Faye. Une poésie engagée qui lui permet aussi "d'extérioriser sa douleur de l'exil et de se reconstruire".
Ainsi, cette BD est aussi d'une grande profondeur émotionnelle.
« ...Et de pays en pays, il pédale, il pédale.
Et de guerre en maladie, il pédale, il pédale... » (extrait de Pili pili sur un croissant au beurre, Gaël Faye)
Adaptation totalement réussie du roman. J'avais été subjugué par le livre, et, comme souvent, plutôt un peu réservé au sujet de l'adaptation en film. Ici, la transposition en BD fonctionne parfaitement, je suis rentré dans le dessin sans aucune difficulté. Mais assez curieusement, j'ai trouvé la BD encore plus dure, plus violente. Dans mon souvenir, le livre, poignant, avait aussi sa part de poésie, de rêverie. L'enfance confrontée à la guerre et au monde réel. Ici, j'ai juste ressenti l'enfance confrontée à l'Horreur. Avec un grand H. Le poids des mots Vs Le choc des images ?
Un album qui appelle le respect.